MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

M. le président. La parole est à M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Monsieur le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, nous vous avons déjà alerté à propos des difficultés rencontrées par les départements dans l’exercice de leurs missions relatives à l’aide sociale à l’enfance – ASE. Je connais votre volonté sincère de leur faciliter l’accomplissement de ces missions et d’intervenir à leurs côtés. Mais je me dois aussi d’appeler votre attention sur un autre aspect du problème, en rapport avec la situation des mineurs non accompagnés – MNA –, dont la prise en charge vient télescoper celle des mineurs relevant de l’ASE.

Le nombre toujours croissant de MNA met sous tension tous nos dispositifs d’accueil et de prise en charge. Cette embolisation permanente des services pénalise les départements dans l’exécution de leurs missions. Les structures sont saturées, le personnel débordé, et les prévisions d’arrivées inquiètent. Nous ne pouvons pas indéfiniment tirer sur la corde en poussant ainsi au paroxysme nos dispositifs d’accueil.

La clé de répartition actuelle des MNA génère en outre des inégalités entre les départements. Elle ne tient compte ni de la santé financière du département, ni de son activité de protection de l’enfance, ni de ses capacités réelles de prise en charge et d’accueil. Le seul ratio démographique utilisé repose sur la jeunesse au sein des départements : plus ceux-ci recensent de jeunes, plus ils doivent accueillir de MNA.

Ces derniers ont aussi des besoins différents de ceux des autres enfants accueillis dans le cadre de la protection de l’enfance. Particulièrement vulnérables, ils ont vécu des expériences de vie traumatisantes liées aux événements endurés dans le pays d’origine ou pendant le parcours migratoire. Souvent, ils ne parlent pas notre langue et présentent également des problèmes de santé.

Dans la mesure de leurs moyens, les départements tentent de leur garantir des conditions de dignité et de sécurité suffisantes, mais pour combien de temps encore ?

Le rapport de la mission de réflexion sur le sujet qui associait l’Inspection générale des affaires sociales et l’Assemblée des départements de France a mis en avant ces difficultés en février 2018.

La question migratoire relève avant tout de la responsabilité de l’État et implique donc sa participation. Dès lors, face à cette situation, quelles sont vos propositions pour accompagner les départements s’agissant des moyens financiers, humains et d’hébergement à mobiliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Merci, monsieur le député, de votre question, qui me donne l’occasion de dire que le Gouvernement a bien entendu les difficultés des territoires, particulièrement des départements.

La présence croissante des mineurs non accompagnés dans les territoires au cours des dernières années crée évidemment des tensions entre les départements – qui connaissent des situations différentes – comme au sein même de chaque département, du fait des conséquences du phénomène sur le système global de la protection de l’enfance. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Sébastien Leclerc. L’État doit prendre ses responsabilités !

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État . Voilà pourquoi Mme la garde des sceaux et moi-même assumons pleinement les responsabilités de l’État en la matière, qu’il s’agisse des MNA ou de la protection de l’enfance en général.

L’appui aux conseils départementaux pour la mise à l’abri et l’évaluation des personnes se présentant comme mineures a été renforcé depuis le début de l’année par une compensation plus juste des dépenses engagées,… (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. C’est très insuffisant !

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État . …sur le fondement d’un forfait revu de 500 euros par jeune évalué et de 90 euros par jour de mise à l’abri pendant quatorze jours. Au total, ce sont 75 millions d’euros qui ont été engagés dès le projet de loi de finances pour 2019. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

En outre, le Gouvernement continue de soutenir les départements en assumant également une partie des dépenses supplémentaires qui leur échoient au titre du droit commun de la protection de l’enfance : une fois les intéressés reconnus mineurs, ils doivent être pris en charge dans ce cadre car, avant d’être des étrangers, ce sont d’abord des enfants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Marie-George Buffet, Mme Elsa Faucillon et Mme Cécile Untermaier applaudissent également.)

Au total, ce sont plus de 175 millions que l’État a ainsi engagés pour aider nos départements. Il s’agit d’un dispositif exceptionnel qui a été renforcé pour la deuxième année consécutive.

M. Pierre Cordier. C’est très insuffisant !

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Dernier aspect : afin d’éviter le nomadisme administratif et de « désengorger » – pardonnez-moi l’expression – le système dont vous signalez la saturation, un fichier d’évaluation de la minorité a été créé. Permettez-moi de le réaffirmer ici, ce fichier est aussi un moyen de protéger les mineurs en consacrant une fois pour toutes leur minorité dès que celle-ci est établie et en les faisant ainsi bénéficier du système de protection de l’enfance.

Soyez convaincu, monsieur le député, avec l’ensemble des élus locaux, que l’État est aux côtés des départements…

M. Pierre Cordier. C’est faux !

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. …et le restera, en poursuivant la concertation avec eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)