RÉFORME DE LA JUSTICE

M. le président. La parole est à M. Paul Christophe, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Paul Christophe. Madame la garde des sceaux, je souhaiterais vous interroger sur la réforme de notre système judiciaire.

Vous répétez à l’envi qu’aucun tribunal ne sera fermé et que le maillage actuel des juridictions sera conservé. Sur ce point, nous avons toutes les raisons de vous croire. Néanmoins, l’avant-projet de loi qui nous est récemment parvenu nous rend quelque peu soucieux quant à l’avenir de l’organisation judiciaire dans notre pays.

Ce qui nous interpelle, ce n’est pas le contenant, mais le contenu. S’il ne fait pas mention de suppressions, l’article 54 du projet de loi précise néanmoins que les compétences des tribunaux de grande instance seront déterminées par décret pris en Conseil d’État. On dit souvent que le diable se cache dans les détails. Dans le cas présent, il ne s’agirait pas qu’il se cache dans un décret !

Un tribunal pourrait alors être maintenu en l’état, mais vidé entièrement de sa substance, ce qui éloignerait les justiciables de leurs juges. Par ailleurs, si l’on se réfère au rapport de Philippe Houillon et Dominique Raimbourg, des contentieux relevant, par exemple, de la justice des mineurs, de l’application des peines, du prononcé des divorces ou du droit immobilier pourraient demain être dévolus par décret à un tribunal de grande instance départemental – autant de contentieux qui représentent en réalité une justice du quotidien et qui concernent souvent des familles précarisées et dépourvues de moyens de transport.

Selon un récent sondage, plus d’un Français sur quatre renoncerait à une procédure judiciaire si le tribunal le plus proche de chez lui venait à être supprimé ou était déplacé. Il n’est pas imaginable de détricoter le maillage territorial de la justice, qui est un service public, par un simple décret, sans concertation avec les élus du territoire et les professionnels de la justice.

Aussi, pour nous éviter d’avoir à déposer un trop grand nombre d’amendements lors de l’examen du projet de loi – je parle bien d’amendements qualitatifs, et non quantitatifs –…

M. Thierry Benoit. Excellent !

M. Paul Christophe. …pourriez-vous nous préciser vos intentions quant au contenu futur des missions dédiées aux différents tribunaux ? Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions en matière de concertation avec les élus des territoires concernés et les professionnels de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LR et du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, ce que nous voulons, avec la réforme de la justice qui sera soumise au Parlement d’ici l’été, c’est rendre la justice à la fois plus proche, plus lisible et plus rapide.

Une justice plus proche, d’abord. Nous l’avons dit, aucun tribunal ne fermera. Je le répète ici devant vous : les tribunaux d’instance, qui forment le maillage de nos territoires – on en compte plus de 300 – continueront évidemment à exister et à exercer leurs compétences telles quelles sont actuellement définies. Cela se vérifiera dans les décrets qui seront pris à cet égard. D’ailleurs, ces tribunaux pourront éventuellement voir leurs compétences s’accroître, si les chefs de cour le jugent pertinent et en fonction des besoins locaux.

Une justice plus lisible, ensuite. Avec l’évolution des procédures que nous vous proposerons, il n’y aura plus désormais qu’une seule procédure introductive d’instance au civil. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé possible de fusionner organiquement les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance qui sont sur un même site, de sorte que le justiciable n’ait plus à chercher son juge en fonction de la nature du contentieux ou du montant des sommes en jeu – supérieur ou non à 10 000 euros.

Pour garantir, enfin, une justice plus rapide et plus efficiente, nous maintiendrons les tribunaux de grande instance dans leurs compétences actuelles mais nous proposerons, dans un cadre qui sera fixé par un décret en Conseil d’État, qu’un dialogue s’engage avec les acteurs de terrain, conduit par eux. Nous pourrons alors envisager que, s’agissant de compétences spécialisées, et pour des contentieux de faible importance et relativement pointus, certains tribunaux puissent éventuellement se voir reconnaître des spécialisations, qui viendront évidemment se surajouter aux compétences de base exercées par tous les tribunaux.

Il n’y aura donc aucune dévitalisation, contrairement à ce que j’ai pu lire sous la plume de certains avocats. Enfin, nous donnerons pleinement la parole aux acteurs de terrain, et donc à vous, mesdames et messieurs les élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et plusieurs bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.)