M. Paul Christophe appelle l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences de l’arrêté du 12 juillet 2017 portant modification des exonérations à la réglementation des substances vénéneuses. À travers cet arrêté, le ministère a décidé de restreindre l’usage de médicaments à base de codéine et autres dérivés de l’opium en soumettant leur dispensation à la présentation d’une ordonnance médicale obligatoire. Cette mesure visant à restreindre l’usage de la codéine par des jeunes dans des cocktails récréatifs, risque cependant de réduire les possibilités de médication conseil du pharmacien dans des symptomatologies bénignes telles que la toux ou la douleur, et d’avoir, par ailleurs, des conséquences économiques. Depuis 2015, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a identifié de nombreux cas d’abus et d’usage détournés de ces médicaments, disponibles sans ordonnance. L’usage du Purple Drank, cocktail à base de codéine, d’antihistaminique et de soda, a provoqué deux décès chez des adolescents depuis le début de l’année 2017. Il y a donc un mésusage, parfois mortel, de ces médicaments. Cependant, l’arrêté du 12 juillet 2017 tend à se focaliser sur les détournements ponctuels d’usage, en dépit de l’intérêt général. En effet, la majorité des principes actifs concernés ont fait la preuve de leur utilité depuis plusieurs années, que ce soit dans le cadre des traitements pour la toux ou la douleur, ceci dans le cadre d’une utilisation normale. Si certains de ces médicaments relèvent de la prescription médicale, notamment pour les médicaments remboursables, beaucoup d’entre eux sont dispensés sur le conseil du pharmacien sans aucun remboursement et répondent à une demande des patients pour des pathologies mineures, sans nécessité d’une consultation médicale. Il appartient au pharmacien, lors d’une demande de conseil par un patient, de s’assurer de la bonne indication du produit et de ses éventuelles précautions d’emploi et contre-indications. Il est à craindre qu’en obligeant le patient à devoir présenter une ordonnance pour ces principes actifs, une majorité de personnes, ne souhaitant pas consulter, soit privée de médicaments utiles et bien tolérés et ce, au motif qu’une minorité d’adolescents et jeunes adultes en détournent l’usage. Par ailleurs, la nécessité d’une consultation chez le médecin ne pourra qu’engendrer un frein à l’accès aux soins et un coût supplémentaire auprès des organismes de sécurité sociale. Dans le contexte actuel de réduction des dépenses publiques, le choix du ministère est donc surprenant. À l’instar de ce qui se pratique pour la vente de boissons alcoolisées, il aurait semblé plus adapté de soumettre la vente de médicaments contenant de la codéine et dérivés de l’opium, à la présentation obligatoire d’une pièce justifiant l’identité et l’âge de l’acheteur, ou mieux encore, sur présentation d’une carte vitale permettant d’inscrire la vente sur le dossier pharmaceutique patient (DP), ce DP étant consultable quel que soit l’officine durant une période de 4 mois, évitant ainsi une surconsommation médicamenteuse. Enfin, la décision du ministère a été prise très rapidement, ceci permettant d’éviter la constitution de stocks de médicaments. Il y a peut-être eu un manque de concertation sur l’application concrète de la mesure entre les syndicats de pharmaciens, l’ordre et le ministère, la profession ayant été informée du jour au lendemain sans possibilité d’exprimer des suggestions. Le re-listage massif de médicaments conseils utiles aux patients ne doit pas être la seule réponse des pouvoirs publics suite aux mésusages faits par quelques-uns. Par conséquent, il souhaiterait savoir si le ministère envisage de retirer l’arrêté du 12 juillet 2017 pour réfléchir à une autre solution, revalorisant le rôle de conseil du pharmacien tout en préservant la santé des jeunes adultes.

Réponse de Mme la ministre des solidarités et de la santé:

Les abus de médicaments psychotropes évoluent régulièrement. Ces dernières années a été constatée une multiplication, chez des mineurs et jeunes adultes, d’une pratique venue des Etats-Unis qui consiste à ingérer des préparations mélangeant soda et certains médicaments, en particulier certaines spécialités à base de codéine, dites « purple drank ». Dans ce contexte, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait ouvert une enquête d’addictovigilance sur la codéine, notamment, et une mise en garde relative au « purple drank » avait également été diffusée aux professionnels de santé et aux associations concernées en mars 2016. Les cas d’intoxications en lien avec la consommation de « purple drank » ont encore augmenté en 2017 avec des conséquences dramatiques. C’est pourquoi un arrêté en date du 12 juillet 2017 a permis de restreindre l’accès aux médicaments contenant de la codéine, du dextrométhorphane, de l’éthylmorphine ou de la noscapine en rendant obligatoire leur prescription par un médecin et ce quelle que soit la quantité de substances actives que ces spécialités contiennent. La vente de ces médicaments via les sites Internet des pharmacies, réservés aux médicaments sans prescription, n’est également plus possible. Au regard des décès survenus en début d’année, et de l’accroissement des cas d’intoxication chez les jeunes utilisateurs à des fins récréatives, il était indispensable de prendre des mesures à effet rapide. Par ailleurs, au-delà des cas d’intoxications graves chez les jeunes, une augmentation des cas de dépendance aux médicaments contenant des opioïdes a également été constatée dans la population générale. Aux Etats-Unis, le phénomène a pris une ampleur considérable. Aussi, cette mesure protégera également d’autres patients qui, sans être dans une démarche de détournement, peuvent être exposés à un problème de dépendance et de surdose. Il semble indispensable que ces derniers entrent dans un circuit de soin et soient pris en charge par des professionnels de santé. L’ANSM et le réseau d’addictovigilance procèderont à une évaluation de cette mesure. Enfin, de façon générale, le rôle d’acteur de soins de premier recours du pharmacien d’officine et notamment son expertise pharmaceutique doivent être davantage valorisés et utilisés. Une réflexion est en cours au sein du ministère des solidarités et de la santé à ce sujet. S’agissant de la possibilité de soumettre la dispensation de certains médicaments à la présentation obligatoire de la carte vitale en vue d’un enregistrement de la spécialité délivrée dans le dossier pharmaceutique, cette proposition nécessiterait une modification de l’article L.1111-23 du code de la santé publique,  relatif à la liberté du patient de créer et d’alimenter son dossier. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) devrait être consultée sur ce point.