M. Paul Christophe interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l’autorisation du cannabis à visée thérapeutique. Un nombre croissant de médecins soulignent l’efficacité du cannabis à visée thérapeutique pour soulager la souffrance de certains patients. Les propriétés antalgiques du cannabis permettent notamment de mieux gérer la douleur chronique, les troubles physiques provoqués par les chimiothérapies, les spasmes et les raideurs musculaires liés à la sclérose en plaques. Alors même qu’une trentaine de pays dans le monde autorisent aujourd’hui le cannabis thérapeutique, la France tarde à se prononcer. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a créé, en septembre 2018, un comité scientifique spécialisé temporaire chargé d’une évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France. Ce comité a rendu ses conclusions le 13 décembre 2018, estimant pertinent d’autoriser l’usage du cannabis à visée thérapeutique dans certaines situations cliniques bien précises. Il préconise d’abord son usage pour les patients souffrants de « douleurs réfractaires » aux thérapies, médicamenteuses ou non, déjà accessibles. Il se déclare également favorable à son usage dans quatre autres situations : pour certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes, des soins de support en oncologie, des situations palliatives et en cas de spasticité douloureuse de la sclérose en plaques. Le comité demande enfin qu’une évolution de la législation puisse être mise en œuvre. Une expérimentation de l’usage du cannabis thérapeutique pourrait être lancée, par l’ANSM, à l’été 2019 lorsque tous les éléments d’expertise auront été rendus. Le ministère des solidarités et de la santé a lancé, à l’automne 2018, le premier forum contre la douleur car, si la France a connu trois plans de lutte contre la douleur (1998-2000, 2002-2005, 2006-2010), sa prise en charge et son traitement restent difficiles. La possibilité d’usage du cannabis thérapeutique a redonné beaucoup d’espoir à tous ces patients qui souffrent de douleurs difficiles, voire impossibles, à traiter et notamment les patients atteints de fibromyalgie pour lesquels il n’existe pas, à ce jour, de traitement spécifique, ni de prise en charge bien établie. Aussi, il souhaiterait savoir quelles suites le ministère entend donner aux conclusions de l’ANSM et s’il pourra inclure les patients atteints de fibromyalgie dans l’expérimentation d’usage du cannabis à visée thérapeutique.

Réponse:

L’usage thérapeutique du cannabis est possible dans de très nombreux pays occidentaux, y compris européens. Ainsi des spécialités pharmaceutiques à base de cannabinoïdes (naturels ou de synthèse) ont obtenu une autorisation de mise sur le marché, dans le cadre de la procédure rigoureuse du médicament et de l’appréciation du rapport bénéfices / risques qu’elle implique. Par ailleurs, certains Etats ont autorisé l’accès, pour certaines pathologies, sur prescription médicale, à du cannabis en tant que plante produit par des entreprises légales ou cultivé à domicile. Des études ont montré une efficacité sur certains symptômes (nausées, douleurs) ou certaines pathologies (sclérose en plaque, épilepsie…), avec des niveaux de preuve hétérogènes, l’efficacité la mieux établie concernant les douleurs de différentes origines. Cependant, il manque des études contrôlées et rigoureuses pour évaluer formellement l’efficacité et les risques et effets indésirables associés, ainsi qu’une comparaison à l’arsenal thérapeutique existant. Actuellement, le « cannabis thérapeutique » recouvre des formes et des circuits de production, de prescription et de contrôle très variés selon les pays. En France, dans un contexte de sollicitations croissantes sur le sujet du cannabis thérapeutique, la ministre des solidarités et de la santé a saisi l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), afin de disposer d’un état des lieux, notamment des spécialités pharmaceutiques contenant des extraits de la plante de cannabis ou des analogues de synthèse de cannabinoïdes, ainsi qu’un bilan des connaissances relatives aux effets et aux risques thérapeutiques liés à l’usage de la plante elle-même. A cette fin, l’ANSM a constitué en septembre 2018 un comité scientifique spécialisé temporaire sur l’évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition en France du cannabis thérapeutique en tant que plante (sous forme de préparation par exemple). En décembre 2018, ce CSST s’est prononcé en faveur de l’autorisation de l’usage du cannabis à visée thérapeutique dans certaines situations cliniques précises et limitées. Le comité a exclu d’emblée la voie d’administration fumée, compte tenu des risques pour la santé. Il poursuit en 2019 les travaux relatifs aux modalités d’une mise à disposition du cannabis sous forme de plante. Il appartiendra ensuite au Gouvernement de se prononcer sur la base de cet avis sur les indications et les modalités d’usage thérapeutique du cannabis ainsi que de déterminer, le cas échéant, la filière de production (importation ou constitution d’une filière nationale, publique et / ou privée.