M. Paul Christophe interroge M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur les évolutions législatives et financières prévues par le Gouvernement afin d’améliorer la prise en charge des mineurs non accompagnés sur le territoire national. Avec l’augmentation continue de l’arrivée et du besoin de prise en charge des mineurs non accompagnés, dits MNA, les départements connaissent une saturation des dispositifs de mise à l’abri, et des structures d’accueil nécessaires aux missions d’aide sociale à l’enfance, ne permettant plus d’accueillir ces jeunes dans des conditions suffisantes de dignité et de sécurité. Les besoins des MNA diffèrent de ceux des autres enfants accueillis en protection de l’enfance et nécessitent une prise en charge spécifique qui mobilise de nouveaux moyens. On relève couramment un manque de maîtrise de la langue française, des problèmes de santé, et des traumatismes liés aux événements vécus dans le pays d’origine ou au parcours migratoire. Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), les départements, dans leur grande majorité, réitèrent leur attachement à ce que les MNA, reconnus mineurs, bénéficient d’un accompagnement éducatif tout au long de leur prise en en charge dans le cadre de la protection de l’enfance dont ils exercent la compétence. Pour autant, la question migratoire relevant de la responsabilité de l’État, elle implique nécessairement une participation de l’État à la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance. À l’occasion du congrès de l’ADF, le Premier ministre a confirmé son engagement sur la prise en charge de la période d’évaluation et de mise à l’abri, sans en indiquer les modalités opérationnelles de mise en œuvre. Il a également évoqué une possible adaptation des dispositifs législatifs. Par conséquent, il souhaiterait savoir comment le Gouvernement souhaite faire évoluer le dispositif législatif et l’accompagnement financier des départements au regard de sa compétence régalienne sur la question migratoire.

Réponse M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur:

PRISE EN CHARGE DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

M. le président. La parole est à M. Paul Christophe, pour exposer sa question, n°  294, relative à la prise en charge des mineurs non accompagnés.

M. Paul Christophe. Avec l’augmentation continue de l’arrivée et du besoin de prise en charge des mineurs non accompagnés, dits MNA, les départements connaissent une saturation des dispositifs de mise à l’abri. Les structures d’accueil nécessaires aux missions d’aide sociale à l’enfance ne permettent plus d’accueillir ces jeunes dans des conditions suffisantes de dignité et de sécurité.

Les mineurs non accompagnés ont des besoins bien différents des autres enfants accueillis en protection de l’enfance. On relève couramment un manque de maîtrise de la langue française, des problèmes de santé et des traumatismes liés aux événements vécus dans le pays d’origine ou pendant le parcours migratoire.

Cela nécessite une prise en charge spécifique. Les départements, dans leur grande majorité, réitèrent leur attachement à ce que les MNA bénéficient d’un accompagnement éducatif tout au long de leur prise en charge dans le cadre de la protection de l’enfance. Toutefois, la question migratoire relève de la responsabilité de l’État et implique donc sa participation à la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance.

À l’occasion du congrès de l’Assemblée des départements de France, le Premier ministre a confirmé son engagement sur la prise en charge de la période d’évaluation et de mise à l’abri des MNA, sans en indiquer pour autant les modalités opérationnelles de mise en œuvre. Il a également évoqué une possible adaptation des dispositifs législatifs.

Je souhaiterais donc savoir comment le Gouvernement souhaite faire évoluer le dispositif législatif et l’accompagnement financier des départements au regard de sa compétence régalienne sur la question migratoire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, le Gouvernement porte une attention particulière à la question des mineurs non accompagnés. La plupart du temps, vous l’avez vous-même rappelé, ces jeunes particulièrement vulnérables ont connu des expériences de vie traumatisantes et doivent être protégés, comme la convention internationale des droits de l’enfant nous y oblige.

Une mission bipartite, composée de l’Assemblée des départements de France, de l’Inspection générale des affaires sociales – c’est de ce ministère que dépendent les mineurs non accompagnés –, de l’Inspection générale de l’administration ainsi que de l’Inspection générale de la justice, a rendu un rapport étayé le 15 février 2018. Ce rapport dresse effectivement le constat d’une augmentation du nombre de personnes, des garçons principalement, demandant à être reconnues mineurs depuis l’été 2017 et du nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. La mission pointe également une diminution de l’âge de ces mineurs.

De nombreux départements sont aujourd’hui confrontés à des difficultés d’hébergement avant l’évaluation de minorité mais aussi d’accompagnement des personnes une fois qu’elles ont atteint l’âge de 18 ans. Les constats dressés par la mission sont partagés entre l’État et les départements.

Les solutions pour faire face à cet enjeu d’accueil et de protection des personnes sont de plusieurs ordres. Il faut lutter avec énergie et détermination, dans un cadre européen, contre les filières de passeurs qui instrumentalisent les enfants et leur font subir des traitements inhumains et dégradants.

Il faut ensuite harmoniser les procédures d’évaluation de la minorité, qui sont aujourd’hui trop disparates sur le territoire, y compris en ce qui concerne les délais d’évaluation. L’État s’est engagé à soutenir les départements dans cette phase. Il faudra aussi faire en sorte que les aspects sanitaires de l’évaluation soient davantage pris en considération.

Il faut augmenter les capacités d’hébergement en amont de l’évaluation de minorité et mieux soutenir les départements dans le financement de cet hébergement et de l’accompagnement social associé.

Il y a aussi une difficulté : la concentration de l’arrivée des mineurs au sein de quelques départements – les départements frontaliers et ceux comportant de grosses agglomérations. La question de la répartition géographique des personnes en amont de la phase d’évaluation et avant la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance départementale est donc posée dans le but de mieux accueillir ces mineurs non accompagnés.

Les scénarios proposés par la mission sont à l’étude et font l’objet d’échanges entre le Gouvernement et les départements. Quel que soit le scénario retenu, l’État prendra toute sa part dans la conduite de cette politique publique de protection des mineurs, en lien avec les départements. Je ne peux pas encore vous communiquer les conclusions des discussions car elles n’ont pas encore été rendues, mais sachez que le Gouvernement, avec l’Assemblée des départements de France, y travaille avec beaucoup de volonté politique.

M. le président. La parole est à M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Madame la ministre, je sais toute l’attention que vous portez à cette question importante pour notre territoire. Je souhaite ajouter que la clé de répartition proposée est contestable au regard des critères qui avaient été retenus, notamment la présence de jeunes de moins de 19 ans sur le territoire.

L’embolisation des services d’accueil de l’enfance pénalise les départements dans l’exécution de leurs missions d’aide sociale à l’enfance ; cela pose un vrai problème. Ces jeunes relèvent aussi d’un accompagnement un peu différent de ce que l’on a l’habitude de proposer dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ; les différentes remarques que nous venons d’échanger démontrent que nous sommes d’accord sur ce point.

Nous avons donc besoin d’un véritable accompagnement et d’un vrai partenariat entre l’État et les départements sur cette question ; c’est bien ce qui se dessine, et je m’en réjouis.